< Retour à la liste
Vie et Société

Les chutes chez les aînés : un phénomène préoccupant, souvent matinal et domestique

09.06.2025

Un rapport récemment publié par la santé publique du CIUSSS du Centre-Sud de l’Île-de-Montréal met en lumière des tendances surprenantes concernant les chutes chez les personnes âgées de 60 ans et plus. L’analyse révèle que ces incidents surviennent majoritairement en début de journée, dans des lieux aussi familiers que la chambre à coucher et la salle de bain.

Des lieux inattendus à haut risque

Pour Barbara Fillion, ergothérapeute et auteure principale du rapport couvrant les années 2015 à 2021, certaines conclusions ont été inattendues. La salle de bain arrive et la chambre à coucher  ces deux pièces, souvent associées à des gestes routiniers comme se lever ou se préparer, figurent fréquemment parmi les lieux où les chutes sont les plus nombreuses, au même titre que les escaliers.

Autre fait marquant : la période la plus à risque se situe le matin, contrairement à la croyance populaire qui associe davantage les chutes à la nuit, moment où la vigilance est amoindrie.

Une cause de décès trop fréquente

Les chutes sont loin d’être des événements anodins. Selon une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), elles représentent la principale cause de décès liés à des traumatismes non intentionnels chez les 65 ans et plus. Entre 2000 et 2021, le nombre de décès liés à des chutes dans cette tranche d’âge a quadruplé, passant de 79 à 136 pour 100 000 personnes.

À Montréal, l’équipe de Mme Fillion a choisi d’exclure les chutes dans les escaliers du rapport, en raison de la difficulté à distinguer, dans les données d’Urgences-santé, les escaliers intérieurs des célèbres escaliers extérieurs de la métropole. Ce sujet avait fait l’objet d’un précédent rapport, en 2023, axé sur les chutes à l’extérieur, fortement influencées par les conditions hivernales.

Des femmes plus touchées… ou plus visibles ?

Autre élément notable : parmi les 60 400 dossiers analysés, les deux tiers concernent des femmes. Une disparité qui s’explique partiellement par leur plus grande longévité. Toutefois, les femmes semblent subir plus souvent des blessures graves, notamment en raison de l’ostéoporose, qui fragilise les os avec l’âge.

Barbara Fillion met en garde contre une interprétation trop hâtive car il y a beaucoup de chutes non recensées. Plusieurs personnes ne font pas appel à Urgences-santé après une chute, surtout les hommes. Certains préfèrent se débrouiller seuls, ce qui fausse les statistiques.

Même parmi ceux qui appellent les services d’urgence, une différence persiste : 67 % des femmes sont transportées à l’hôpital, contre seulement 58 % des hommes.

Prévenir plutôt que guérir

Pour réduire le risque de chutes, le rapport souligne trois grands types de facteurs : individuels (âge, maladies chroniques, effets secondaires des médicaments, troubles sensoriels ou moteurs), comportementaux (sédentarité, habitudes de vie risquées) et environnementaux (désordre, mauvaise éclairage, absence de barres d’appui, tapis glissants).

Certains facteurs sont difficiles à modifier, comme les conditions de santé. D’autres relèvent de la prévention active. Par exemple : consulter régulièrement un professionnel de la vue, faire évaluer ses médicaments, rester actif physiquement, ou encore éviter les gestes risqués quand on vit seul, comme grimper pour attraper un objet en hauteur.

On voit souvent chez les aînés des milieux de vie encombrés, peu adaptés. Il manque des barres d’appui dans la salle de bain ou un bon éclairage dans les corridors par exemple.

Un enjeu collectif et coûteux

Bien que le rapport ne recommande pas explicitement que la RAMQ couvre les dispositifs d’alerte comme les bracelets ou colliers, cette option pourrait être envisagée dans l’avenir. D’autant que les données recueillies à Montréal peuvent probablement s’appliquer à d’autres régions du Québec.

La réalité démographique parle d’elle-même : une personne sur trois de plus de 65 ans fait au moins une chute par an, et cette proportion grimpe à une sur deux après 80 ans. Ce constat appelle à une mobilisation en faveur de la prévention, d’autant plus urgente dans un contexte de vieillissement accéléré de la population.

Et les conséquences sont coûteuses : en 2018, on estimait à 5,6 milliards de dollars les coûts directs liés aux chutes chez les aînés au Canada.